Le Baiser de Bigo / Hommage à Rodin

 

En 2008 le musée des Beaux-Arts de Nice a décidé de rapprocher dynamiquement les beaux-arts de la vie quotidienne et d'inviter notamment l'art contemporain à revisiter les œuvres de sa collection.

A l'occasion de l'exposition "Matisse-Rodin", Véronique Bigo, pour son troisième parcours dans la collection du musée, prête attention aux œuvres d'Auguste Rodin et propose cette fois son interprétation du célèbre Baiser. Au regard du peintre des objets, la bouche, symbole du désir, prend de l'indépendance et devient l'objet autonome et mutant d'une nouvelle série de réalisations.

 
 

Le Baiser de Bigo / Hommage à Rodin

Regards contemporains sur la collection, parcours “Le Baiser de Bigo / Hommage à Rodin”, Musée des Beaux-Arts de Nice - 20 juin au 27 septembre 2009

Pour son troisième itinéraire au musée des Beaux-Arts de Nice, Véronique Bigo nous invite à la mise en scène et à la mise en peinture de sa rencontre avec Auguste Rodin. […]

Provocatrice, en s'intéressant au Baiser, elle fait semblant de laisser au Maître le choix du sujet de leur rencontre. Mais c'est pour mieux se détourner de l'exégèse académique.

Elle évite de s'adresser au grand Rodin pour mieux plaisanter avec Auguste qu'elle a rapidement débarrassé des lourds manteaux que lui ont confectionnés l'histoire de l'art et l'institution académique. En badinant, elle s'amuse à amener ce dévoreur de femme hors des sentiers artistiquement balisés de la passion amoureuse pour s'engager dans ceux de la passion du plaisir.

Elle répond à la magistrale sculpture du Baiser par une souriante et quelque peu excitante accumulation de bouches. Elle transforme tout le pathos de l'imaginaire du baiser en une très physique et jubilatoire affaire de lèvres.

Véronique Bigo a ainsi résolument choisi d'éviter la paraphrase du maître pour mieux affirmer sa liberté d'artiste et de femme. […]

Provocateurs sans être agressifs, ces dessins de bouches nous incitent à réinventer notre relation à leurs formes, à leurs matières et à leurs réalités. Esquissées, réduites à quelques traits, aucune de ces bouches ne s'impose. Leur irréelle transparence nous interroge, sans nous dicter une réponse attendue. Isolée de tout contexte, que ce soit un visage ou une composition narrative, elles déstabilisent par la force incongrue de leur présence. Le peu de matière que Véronique Bigo nous donne à voir est là pour stimuler notre idée du plaisir du baiser.

Alerte, pétillante et spirituelle, gageons que la discussion très libre de Véronique Bigo, loin de choquer Rodin, lui a permis par le sourire du plaisir, de rencontrer une nouvelle expression de la modernité.

 

Brice d'Antras critique d'art et de design, Paris, 2008

Textes extraits du flyer « Regards contemporain sur la collection 2008-2009 », Musée des Beaux-Arts de Nice.

Crédit photo : JC LETT